Aires protégées : un projet de décret en consultation sur la notion de protection forte et ses modalités de mise en oeuvre
Le ministère de la Transition écologique met en consultation jusqu'au 5 février prochain un projet de décret d'application de la loi Climat et Résilience qui a inscrit dans le code de l’environnement le principe de l’adoption d’une stratégie pour les aires protégées ainsi que les objectifs visés par cette stratégie. Celle-ci vise ainsi le classement en aires protégées de 30% des écosystèmes terrestres et marins français, dont 10% sous protection forte. Le projet de décret, qui est également soumis au conseil national d'évaluation des normes, s'attache donc à définir cette notion de protection forte, ainsi que ses modalités de mise en œuvre, en particulier pour le décompte des zones concernées par cette protection.
Après sa présentation il y a tout juste un an (lire notre article), la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées 2021-2030 a vu son principe et ses objectifs inscrits à l'article 227 de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 qui a créé pour cela un nouvel article (L.110-4) du code de l'environnement. La stratégie prévoit ainsi le classement en aires protégées de 30% des écosystèmes terrestres et marins français, dont 10% sous protection forte. Soumis à consultation publique jusqu'au 5 février prochain, un projet de décret d'application s'attache à définir la notion de "protection forte", ainsi que les modalités de décompte des zones concernées par cette protection.
Des approches à l'origine distinctes selon la nature des surfaces
"Avant l’adoption en janvier 2021 de la stratégie nationale pour les aires protégées 2030, première stratégie commune aux aires protégées terrestres et maritimes, il n’existait pas de définition, ni d’approche transversale et établie de la protection forte", rappelle la note de présentation du ministère. Les approches de la protection forte étaient en effet distinctes selon la nature des surfaces concernées. À terre, l’ensemble des surfaces classées en aires protégées réglementaires (réserves naturelles, cœurs de parcs nationaux, réserves biologiques, arrêtés de protection) étaient comptabilisées en protection forte (méthode de la stratégie de création des aires protégées terrestres – SCAP2009/2019) alors qu'en mer, les surfaces de protection forte au sein des aires marines protégées étaient évaluées au cas par cas en fonction de cinq critères cumulatifs (couverture des enjeux écologiques prioritaires définis dans les documents stratégiques de façade, insertion dans une aire marine protégée, existence d’une réglementation des activités, d'un document de gestion ainsi que d'un dispositif de contrôle). Ces définitions et approches ne sont pas plus unifiées au niveau international ou communautaire, ajoute le ministère même si la stratégie de la commission européenne pour la biodiversité à l’horizon 2030 mentionne un objectif de protéger "strictement" 10% des terres et des mers de l’Union européenne.
Recherche d'une définition "nationale et concrète"
L'ambition du décret est donc d'"affirme[r] et consacre[r] une définition nationale et concrète de la notion de zone de protection forte", selon sa note de présentation. Son article 1er définit une zone de protection forte comme "une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques de cet espace sont évitées, supprimées ou significativement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d'une règlementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées."
Modalités de mise en oeuvre selon le type d'espace
Les articles suivants précisent les modalités de mise en œuvre de la protection forte telle que définie par cet article 1er. Ces modalités diffèrent selon le type d’espaces (terrestre ou maritime). Ainsi, l’article 2 identifie pour les espaces terrestres les catégories d’aires protégées dans lesquelles les surfaces sont reconnues d’office comme des zones de protection forte (cœurs de parcs nationaux, réserves naturelles, arrêtés de protection pris en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, réserves biologiques) et les autres outils dans lesquels les surfaces comprises peuvent être reconnues comme zones de protection forte après une analyse au cas par cas (sites bénéficiant d’une obligation réelle environnementale, zones humides d’intérêt environnemental particulier, périmètres de protection des réserves naturelles, sites appartenant à un des conservatoires d’espaces naturels, réserves nationales de chasse et de faune sauvage, espaces naturels sensibles, espaces remarquables du littoral, forêts de protection…).
L’article 3 identifie pour les espaces maritimes les catégories d’aires protégée créées postérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent décret, dans lesquelles les surfaces sont reconnues d’office comme des zones de protection forte. "Pour les espaces maritimes compris dans les aires protégées relevant de ces catégories qui ont été créées antérieurement à l’entrée en vigueur du décret, le décret fixe une obligation sous 24 mois de de mise en conformité avec les critères des analyses au cas par cas, indique la note de présentation. En effet, d’autres espaces présentant des enjeux écologiques importants, prioritairement situés à l’intérieur d’aires marines protégées, peuvent également être reconnus comme des zones de protection fortes sur la base d’une analyse au cas par cas."
L’article 4 précise les critères utilisés lors des analyses au cas par cas mentionnées aux articles 2 et 3. Les espaces concernés "soit ne font pas l’objet d’activités humaines pouvant engendrer des pressions sur les enjeux écologiques d’importance mentionnés aux articles 2 et 3, soit disposent de mesures de gestion ou d’une réglementation des activités ou encore d’une protection foncière visant à éviter, diminuer significativement ou à supprimer, de manière pérenne, les principales pressions sur les enjeux écologiques justifiant la protection forte, sur une zone ayant une cohérence écologique par rapport à ces enjeux". Ils doivent aussi disposer d’objectifs de protection, en priorité à travers un document de gestion et bénéficier d’un dispositif de contrôle des règlementations ou des mesures de gestion.
Espaces terrestres : avis de la région et des communes concernées
L’article 5 détermine pour les espaces terrestres en métropole et outre-mer les autorités responsables pour proposer des espaces en vue d'une analyse au cas par cas. "Une implication étroite des propriétaires ou gestionnaires de ces espaces est prévue, puisqu’ils seront à l’origine des propositions d’examen, qui seront remontées aux préfets de région (ou aux autorités compétentes outre-mer)", souligne le ministère. Le préfet de région soumet ses propositions à l’avis des conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel, de la région et des communes concernées. L’avis de la région ou de la commune est réputé favorable si aucune réponse n’est apportée dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande. L’article 6 détermine les mêmes autorités responsables pour les espaces maritimes.
L’article 7 confie au ministre chargé de la protection de la nature le soin de fixer la liste des espaces reconnus comme protection forte après l’analyse au cas par cas, le cas échéant conjointement avec le ministre en charge de la mer pour les espaces maritimes. Cette liste, complétée de la liste des zones considérées comme protection forte au titre des I des articles 2 et 3 est publiée avec des indications cartographiques sur le site de l’inventaire national du patrimoine naturel. Le conseil national de la protection de la nature est informé annuellement de l’évolution des zones de protection forte. L’article 8 précise que les zones de protection forte ayant fait l’objet d’une analyse au cas par cas peuvent être retirées de la liste si les critères de l’article 4 ne sont plus respectés.
Consultation de plusieurs grandes instances
Le projet de décret fait aussi l’objet d’une présentation aux trois grandes instances consultatives en matière de protection de la nature. Ainsi, le conseil national de la mer et du littoral est consulté par voie dématérialisé dans le courant de ce mois de janvier, le conseil national de la biodiversité le 3 février prochain et le conseil national de la protection de la nature le 27 janvier. Le texte ayant une incidence sur les collectivités locales du fait de la procédure mise en place pour les propositions d’examen de zones à analyser au cas par cas, il est également soumis au conseil national d’évaluation des normes.